La jurisprudence du Conseil d’État marque une évolution importante dans l’appréciation de la proportionnalité des sanctions administratives. Pour rappel, depuis les décisions de 2013 et 2014, le choix de la sanction ne relève plus uniquement de l’appréciation souveraine des juges du fond : il est soumis à un véritable contrôle de proportionnalité par le juge administratif. Ce principe a été réaffirmé dans une affaire impliquant un enseignant-chercheur de Montpellier, et précise également les rapports entre autorité de chose jugée et sanctions disciplinaires.
La gravitation autour du devoir d’exemplarité
Le Conseil d’État rappelle que les enseignants-chercheurs sont tenus à un devoir d’exemplarité en raison de leur mission de transmission du savoir. Dans l’affaire en cause, un enseignant a participé à l’expulsion violente d’étudiants dans le cadre d’un mouvement de protestation, ce qui a conduit à sa condamnation pénale. Malgré cela, la juridiction disciplinaire (le CNESER) n’a infligé qu’une sanction de quatre ans d’interdiction d’exercer, que le Conseil d’État a jugé disproportionnée. Il a ainsi rappelé que les faits graves commis par l’enseignant, en contravention avec les valeurs d’éthique et de responsabilité du service public, justifiaient une sanction plus sévère, en l’espèce la révocation.
Articulation entre autorité disciplinaire et jugement pénal
La décision précise aussi la manière dont les instances disciplinaires doivent prendre en compte les jugements pénaux. Si l’autorité de la chose jugée en matière pénale s’impose aux juridictions administratives pour les faits matériels constatés, elle ne s’étend ni à la qualification juridique de ces faits ni à l’appréciation de la sanction pénale. En l’espèce, le CNESER a méconnu cette distinction en adaptant sa sanction en fonction d’une réduction pénale prononcée en appel, sans tenir compte de la première annulation de sa décision par le Conseil d’État. Ce dernier rappelle qu’il appartient au juge administratif de contrôler in concreto la proportionnalité de la sanction à la faute, même si le fait a été jugé pénalement.
Un contrôle juridictionnel désormais approfondi
L’évolution jurisprudentielle montre que le Conseil d’État ne se contente plus de vérifier que les faits sont fautifs. Il exerce un contrôle de qualification juridique et de proportionnalité de la sanction, conforme aux exigences de la Cour européenne des droits de l’Homme. Il peut donc annuler les décisions des juges du fond qui n’ont pas pris la mesure exacte de la gravité des fautes ou qui adoptent des sanctions inadaptées. Cette exigence de cohérence permet de mieux concilier l’exigence d’ordre public et les droits fondamentaux des fonctionnaires.
L’arrêt du 27 septembre 2024 du Conseil d’État constitue une pièce essentielle dans le dispositif de protection contre l’arbitraire disciplinaire. Il renforce la place du juge administratif comme garant d’une application équilibrée du droit disciplinaire, fondée sur la gravité des fautes et l’adéquation des sanctions. Le contrôle de proportionnalité, ainsi clarifié, s’inscrit désormais dans une logique de pleine juridiction.